Blow-Up
Photographing the streets of Beirut is not easy, because of security issues and the perpetual fear of terrorist attack. There is a level of mistrust that I have not seen pushed to such a degree elsewhere. There are streets with a military post, or a ministry. The streets in which so-and-so has died, lived or lives. But there are also the anonymous streets, where, nevertheless, I was observed as an intruder, with ill-defined intentions - a potential danger. Intrigued, I found myself watched by those that I wanted to observe. I photographed these people at their balconies, in suspended moments above the city, before returning to the studio, to redraw details from the scene in monumental scale. This laborious gesture is a poetic and political way of giving them a place.
Classical painting transcribed great historical scenes, yet here the banal is transfigured. Moments made of nothing are raised to the height of history. The anonymous become witness and actor. Despite themselves, their simple existence conveys the fear and suffering of their nation. The most minimal gesture, that of looking upon the world from a window, portrays the human condition. They become heralds, bearing myths and they announce future tragedies that will sweep inexorably the world.
Photographier les rues de Beyrouth n’est pas simple. Cela est dû à des questions de sécurité, la peur de l’attentat. Une méfiance que je n’avais vu nulle part ailleurs poussée à ce point. Il y a les rues où se situe un poste militaire, un ministère, la rue dans laquelle untel est mort, a vécu ou vit. Mais il y a aussi les rues sans tout cela et où, pourtant, on m’a regardé comme un intrus, dont on ne définit pas très bien les intentions et qui représente un danger potentiel.
C’est cette partie qui m’a intéressée. J’étais observé par des anonymes que je voulais à mon tour observer. J’ai déambulé et photographié ces personnes à leurs balcons. Instants suspendus dans la ville. Puis, par un travail minutieux, je les ai redessinés en une taille monumentale. Ce geste laborieux était une manière à la fois poétique et politique de leur redonner leur place.
Tout comme la peinture s’est attelée à retranscrire des grandes scènes historiques, ici le banal est transfiguré.Instants faits de rien et qui pourtant élèvent ces anonymes à la hauteur de l’Histoire, dont ils sont témoins et acteurs. Ils contiennent en eux, dans leur simple existence, les peurs et les souffrances de l’histoire de leur nation. Et le geste le plus minimal qu’il soit, regarder le monde par la fenêtre, revêt les habits de la condition humaine. Ils deviennent hérauts porteurs des mythes et annonciateurs des tragédies qui, comme une lame de fond, balaient inexorablement le monde.