Ukraine: The siege of Kyiv

Texte Sara Daniel pour L'Obs

 

Arrivée à Kiev alors que la ville était encore prise en étau par les armées russes, nos envoyés spéciaux en Ukraine ont vécu la fin du siège de la capitale. Précipitée par de violents combats, la retraite russe a semé la mort derrière elle. Des massacres de civils ont été commis, notamment dans la ville de Boutcha.

Tout le monde aimait Olha Sukhenko, la maire du village de Motyzhyn, à 50 km à l’ouest de Kiev. Aujourd’hui, alors que son village a été libéré des soldats russes qui l’ont occupé du 26 février au 28 mars, elle gît dans un grand trou à l’orée du bois, le corps recouvert de sable, à côté de son mari, de son fils et d’un autre homme encore non identifié. On voit sa poitrine ensanglantée et, autour de son cou, cette chaîne en argent qui ne la quittait jamais. Le visage de son fils affleure du sable, partiellement recouvert d’un tissu rouge, à la façon d’un bandana de cow-boy. Il a les yeux ouverts. Un homme du village pleure, accroupi au bord de la fosse : « On avait tous voté pour elle », dit-il. Il nous raconte qu’Olha a été arrêtée le 23 mars parce qu’elle a refusé de collaborer avec l’occupant russe. « Elle n’a pas accepté le ‘‘Russkiy mir’’ (le monde russe), alors ils ont massacré sa famille ! »

En ressortant du bois, deux cent mètres plus loin, dans un jardin bucolique qui entoure un étang paisible, s’élève la grande villa en construction dans laquelle les Russes avaient élu domicile. Et quelques mètres plus loin encore, dans le fond d’une citerne remplie d’eau croupie, reste un cadavre assis en tailleur. Il a le torse nu. Il porte des traces de coups. Son cou est entouré d’un ruban de scotch noir. Hennadiy Merchynskyi avait 44 ans. Sa femme a pu l’identifier grâce à ses tatouages et à son alliance. Il a été arrêté, puis assassiné parce qu’il avait des photos de chars russes dans son téléphone.

Alors que les soldats de Poutine, surpris par la résistance ukrainienne, se sont retirés des villes et des villages qu’ils occupaient à l’ouest de Kiev, comme Motyzhyn, Irpin ou Boutcha, nous découvrons en avançant derrière eux des chars calcinés, des cadavres de soldats, mais aussi des traces d’exécutions sommaires. Les crimes d’une armée manifestement peu disciplinée et peu formée aux règles de droit. Selon la procureure générale d’Ukraine, Irina Venediktova, les corps de 410 civils ont d’ores et déjà été retrouvés aux alentours de la capitale. Un chiffre malheureusement provisoire.

Soucieux de montrer les crimes commis par les troupes russes, le ministère de l’Intérieur a invité un certain nombre de journalistes à Boutcha. Dans une rue particulièrement dévastée, nous croisons le président Zelensky venu inspecter la ville martyre et réconforter sa population. Il a le visage marqué. Pendant que le président réconforte une famille, nous explorons une maison voisine, et tombons sur deux cadavres de civils. L’odeur, le teint cramoisi, les globes oculaires picorés par des rapaces, ou visités par des rats : ils sont morts depuis au moins un mois…

Sous le regard des journalistes invités à les observer, les investigations des autorités ukrainiennes se poursuivent un peu plus loin, dans l’un des campements de l’armée russe. Les soldats ont tout laissé dans leur fuite : un ordinateur, un pain de mie en partie tranché sur la table, leur nécessaire de toilette, et cinq cadavres dans la cave. Trois d’entre eux ont les mains ligotées dans le dos. L’un a reçu cinq balles dans la poitrine. Des hommes torturés dans une cave avant d’être abattus d’une balle dans la nuque : ces images renvoient à une longue histoire, celle de la Tchéka, du NKVD, les terribles polices politiques de l’URSS, une mise en abyme d’un peuple martyr de Lénine à Poutine, en passant par Staline. Une vision qui hantera même les plus habitués aux atrocités que génèrent les conflits. Une odeur qui vous prend à la gorge et vous pique les yeux. Une nausée qui rend insupportable les réflexions des révisionnistes pro-russes. Oui, l’armée russe a perpétré des crimes de guerre en Ukraine. Peut-on aller jusqu’à évoquer un « génocide », comme l’a fait devant nous le président Zelensky ? Seule une enquête approfondie permettra de dénombrer les victimes et de qualifier les crimes de l’envahisseur. Pour l’instant, un mot s’impose : celui de barbarie.

La couleur de l’argent

Il y a une semaine, quand nous sommes arrivés à Kiev par le train de nuit, la capitale était encore totalement prise en étau. A l’ouest de la ville, les voies du chemin de fer longent une ligne de villages bombardés. En sortant de la gare, nous sommes immédiatement saisis par les coups de tonnerres de l’artillerie. Nous les entendrons résonner jusque dans nos chambres d’hôtel, pendant trois jours et trois nuits. L’armée ukrainienne s’emploie alors à faire sauter le verrou des localités mitoyennes d’Irpin et de Boutcha, au nord-ouest de la capitale, pour se jeter à la poursuite des Russes qui se replient lentement vers la Biélorussie.

Nous nous rendons d’abord sur le site du centre commercial « Retroville », au nord-ouest de la capitale, bombardé le 20 mars : un immense champ de gravats surplombé d’un immeuble dévasté qui menace de s’effondrer. Les soldats ukrainiens qui conduisent le nettoyage des décombres cherchent encore quatre corps. Treize ont déjà été retrouvés. Malgré le danger, le major Youri de la défense territoriale ukrainienne propose de nous faire visiter pour la première fois l’antre du bâtiment où s’affairent de petites excavatrices. Il nous conduit par les allées tapissées de verre brisé, entre les mannequins calcinés et les tapis de course de la salle de sport, entre les magasins de jouets et le bar suspendu au-dessus du trou béant de l’épicentre de l’explosion.

L’enseigne ΛЕРУА МЕРΛЕН, la translittération en cyrillique de la marque Leroy-Merlin, a été à moitié déchirée par l’explosion. Ses rayons sont étrangement intacts et les rangées de clous et de marteaux semblent les lointains vestiges d’une vie en paix. « En un mois, nous avons vécu une année », soupire Youri. Quand il passe devant l’enseigne française, il nous confie ne pas comprendre qu’elle continue à commercer en Russie : « Les bénéfices de Leroy-Merlin sont tachés de sang. Pour moi, ils sont coresponsables de la mort des Ukrainiens ici. » Il reprend les paroles de son président, Volodymyr Zelensky, qui appelle les enseignes du groupe Mulliez (Auchan, Leroy-Merlin, Decathlon) les « sponsors de la machine de guerre russe ».

Au centre de la terre

On dirait un voyage au centre de la terre. A la station Université, une des plus vieilles de Kiev qui relie la gare au fleuve Dniepr, les escalators descendent abruptement pendant dix minutes de marche. Les réverbères sont rehaussés de dorures, le zinc des rampes brille, tout est vintage et propre, comme l’intérieur briqué d’une voiture de collection. Dans cette station où règne un silence de cathédrale, deux quais, l’un pour une ligne de métro qui continue de fonctionner, l’autre pour les nouveaux habitants du sous-sol. Dans les wagons, les réfugiés ont aménagé des petits chez soi, comme une succession de maisons miniatures qui abritent autant de destins bouleversés par la guerre. Les produits de toilette sur les fenêtres, la nourriture et de petites lampes à gaz sous les sièges. Il faut écarter les portes à la main, faire intrusion dans ces intimités qui se calfeutrent, et c’est un acte de violence que pénétrer au cœur de leur cocon si fragile.

Olga, une cinquantaine d’années, pianote sur son ordinateur. Dans cette station de métro, les autorités ont installé l’eau chaude, et surtout le wifi, alors cette dame de la région de Sofiyska Borschagivka, près de la ville d’Irpin, vitrifiée par les missiles russes, DRH du centre postal de sa région, continue à remplir les fiches de salaire des postiers depuis son bout de wagon. Elle est restée chez elle tant qu’elle a pu, puis s’est réfugiée dans sa cave, et enfin, terrifiée par les bombardements, elle a quitté sa maison pour cette promiscuité étrange mais chaleureuse du peuple des tunnels. C’est sa fille Lera qui me fait les honneurs de son nouveau monde et me présente ses voisins de wagon. Il y a son nouvel ami Nastia, un garçon dont l’immeuble a été bombardé le premier jour de la guerre, et Liam, un drôle d’Irlandais qui a perdu son passeport et a élu domicile ici jusqu’à la fin de la guerre, et surtout Maria une ravissante petite chatte blanche aux yeux couleur ciel. « J’ai essayé de réconforter ma mère au moment des bombardements, explique joyeusement Lera, mais elle avait trop peur et nous avons dû quitter la maison. » D’où lui vient ce courage de supporter les bombardements ? « Vous savez, j’en ai déjà vu dans ma vie ! Nous avons surmonté le Covid, alors la guerre ça n’est qu’une épreuve de plus », dit d’un air naturel la petite fille du haut de ses 12 ans… Lera est fière de l’organisation du peuple du métro. Tout le monde s’entraide. Dans la journée beaucoup vont travailler comme son père, vitrier. Plus tard, elle voudrait devenir musicienne, batteuse dans un groupe. Elle n’a pas pu emporter sa batterie évidemment, mais, pendant notre conversation, elle garde dans sa main ses baguettes en noyer, objets familiers, promesse d’un retour à une vie normale.

Quand Nastia ouvre les lourdes portes du wagon pour me laisser ressortir, son tout petit chien blanc, qui a surgi des plis d’une couverture en polaire, en profite pour filer. Et son amie Lera court en riant derrière l’animal dans toute la station. C’est une irruption de joie et de vie, un peu d’enfance qui rejaillit. « Irpin est reprise et bientôt ce sera toute l’Ukraine », chantonne avec certitude la fillette. Ici, dans le métro de Kiev, personne n’en doute.

Une victoire stratégique

C’est un bel enfant brun au visage blanc, aux sourcils bien dessinés, qui semble dormir près de son char. A côté de lui, une carte de téléphone, des piles pour son petit transistor, un stylo, une lampe de poche : les objets dérisoires du quotidien d’un gosse projeté sur une terre inconnue. Il devait languir de sa maman, ce jeune Russe, bien trop jeune pour mourir dans ce champ ukrainien. Dans ce paysage d’une ligne de front, nous longeons les chars explosés qui brûlent encore, les corps rétrécis et calcinés des soldats de Poutine qui n’ont pas pu s’extraire à temps de leur carcasse d’acier. Il y a aussi les cadavres de ceux qui ont été tués à bout portant, de ceux que les chiens finissent de dévorer. Les morceaux de vareuses, les bouts de gilets pare-balles, les papiers, les rations alimentaires, toute l’archéologie d’un mois d’occupation russe en territoire ukrainien.

« Cette fois, il n’y a pas eu de prisonniers », nous dit Alex, le commandant du bataillon « Bratsvo » de la défense territoriale qui est en train de nettoyer le terrain, c’est-à-dire de ramasser les corps, de déminer le terrain, de récupérer les dizaines d’obus abandonnés par les Russes dans leur retraite. Il nous confie que tous les Russes tués ici venaient de Tcheliabinsk, en Sibérie, et qu’ils avaient entre 18 et 20 ans. « C’est trop loin et trop jeune pour mourir ici », lâche Andreï, le médecin militaire qui nous a guidés jusqu’à ce village reculé. Les soldats ukrainiens, à peine plus âgés, s’amusent de pouvoir désormais patrouiller à bord de TIGR, des 4x4 blindés russes. Et puis il y a ces petites mallettes kaki qu’ils referment, la seule chose qu’ils nous demandent de ne pas photographier : elles contiennent des drones.

Pour arriver au crépuscule dans ce petit village de Novaya Basan, dans l’oblast de Tchernihiv, à 70 km à l’est de Kiev, nous avons d’abord dû contourner un pont volontairement détruit par l’armée ukrainienne, où nous avons croisé un long cortège de voitures portant sur leur parebrise la mention « civils ! ». Puis, nous avons progressé le long d’une interminable route de terre, traversant de longues plaines semées, entre deux forêts, à découvert. Et là, en entrant dans ce village comme dans la gueule de l’ours russe, nous avons été les témoins d’une victoire stratégique de l’armée ukrainienne : en enfonçant à cet endroit les armées de Poutine, elle coupait en deux leur retraite.

Dans ces régions boisées, le printemps est arrivé à point pour dissimuler la contre-offensive des forces ukrainiennes qui, légères, mobiles, ont multiplié les attaques de positions russes et les embuscades contre leurs convois. Le long de la route H07, qui relie Kiev à Soumy, des unités russes de la 90e division blindée ont subi une suite d’encerclements et de destructions. C’est l’une des deux mâchoires enserrant la capitale depuis un mois qui était en train d’être fracassée. Il ne restait plus alors à l’armée russe que quelques unités isolées autour de Brovary, dont la chute allait permettre à l’armée ukrainienne, d’un côté, de reprendre le contrôle des autoroutes E95 et E101 menant vers le nord à la frontière biélorusse et, d’un autre côté, de poursuivre sur la H07 en direction de l’est le harcèlement de la 2e division motorisée et la 4e division blindée. L’échec russe à Tchernihiv et à Soumy, provoquant finalement la retraite complète des 1ère, 2e et 41e armées, signèrent la libération de l’ensemble du territoire ukrainien jusque Karkhiv.

En attendant cette victoire, les habitants de Novaya Basan sont restés prisonniers de l’occupant pendant un mois. Youri et sa famille accueillent l’armée ukrainienne en faisant le V de la victoire. Lorsque les Russes sont arrivés, ils ont arrêté huit hommes, soupçonnés d’avoir eu des activités militaires à cause de leurs tatouages, et les ont maintenus en détention. L’armée ukrainienne venait de les relâcher à notre arrivée. « Nous, ils nous ont bien traités, ils nous ont juste demandé de rester à l’intérieur de nos fermes », explique le vieil homme tout en jouant avec ses petits-enfants qui arborent fièrement une mitraillette en bois. « Vous avez eu beaucoup de chance par rapport à ceux d’Irpin ! », s’exclame Andreï avec soulagement. Comment expliquer la différence de traitement ? A Novaya Basan, chacun a son hypothèse : « Ici, les Russes sont arrivés bien plus tôt, et c’était peut-être encore l’époque où ils espéraient que la ‘‘libération’’ se passerait bien et qu’ils pourraient se concilier la population civile », avance un soldat.

Une ville martyre

Irpin, petite cité d’immeubles modernes et de pavillons coquets dans la forêt qui s’étend au nord de Kiev. « Tout le monde voulait y habiter avant la guerre », m’explique une journaliste ukrainienne rencontrée sur place. C’était la petite ville idéale avec ses rues éclairées, ses parcs pour enfants, ses jardinets bien entretenus. Ville martyre aujourd’hui avec ses bâtiments explosés, ses rues jonchées de cadavres et de carcasses de chars.

Une fois que le verrou d’Irpin et de Boutcha a sauté, la retraite russe a en effet pris la forme d’une déroute dans plusieurs localités. Des unités en perdition des 35e et 36e armées et de la 79e division aéroportée ont été entièrement détruites, tandis que d’autres étaient obligées de voler des voitures de civils pour fuir. Makariv, Maryanivka, Hostomel et son aéroport, Ivankiv, puis Tchernobyl (où des Russes qui n’en connaissaient même pas le nom ont été irradiés en creusant des tranchées dans la forêt rousse), c’est au total une trentaine de localités qui, le long des routes T1019, P02 et P56, ont rapidement revu le drapeau azur et or flotter sur leurs mairies. Et c’est l’ensemble du territoire à l’ouest de Kiev qui était cette fois libéré.

Il n’y a aucun « geste de bonne volonté » à voir dans ce retrait des troupes russes en Biélorussie, comme l’a prétendu Poutine. Encore moins la fin d’une stratégie de diversion visant à fixer l’armée ukrainienne autour de sa capitale pour mieux la prendre à revers dans le Donbass. D’abord parce que le renversement du gouvernement « nazi » était bien le premier objectif affiché par Moscou. Ensuite parce qu’aucune armée du monde ne sacrifie des centaines de chars et de blindés pour une attaque de diversion. Les troupes russes s’y sont au contraire embourbées puis usées, et la bataille de Kiev est tout simplement une patiente victoire de l’armée ukrainienne.

Une victoire au goût amer pour les libérateurs. A Irpin, les rescapés nous ont confié leurs terribles histoires. Il y a Julia, directrice adjointe du lycée d’Irpin, professeur de littérature ukrainienne : elle a vécu quatre jours dans sa cave pour survivre aux bombardements ; son père y est mort dans ses bras d’un infarctus. « Les Russes nous ont fait sortir de notre immeuble, ils nous ont alignés, nous ont fouillés. Ils ont déshabillé entièrement les hommes, ont vérifié leurs tatouages, ont confisqué leurs portables. Deux d’entre eux ont été tués à bout portant. Ce n’était même pas des militaires ! » Il y a Maria, la grand-mère, et sa petite fille qui ne veut pas nous donner son prénom. Les deux sortent d’une cave obscure, une lampe frontale autour de la tête, avec le regard des bêtes traquées. Elles ne veulent pas quitter cet abri malgré la libération : elles se méfient encore. A côté d’elles, l’immeuble de la police ressemble à un mille-feuille calciné.

Et puis il y a Marta. Lorsque le maire d’Irpin, Oleksandr Markouchyne a proclamé que sa ville était désormais « à cent pour cent ukrainienne », aussitôt elle s’est portée volontaire pour partir avec les ambulanciers et ramasser les chiens errants de la ville. Les Ukrainiens témoignent d’une fidélité bouleversante envers leurs animaux domestiques. Pas question pour Marta d’abandonner à leur sort ceux que leurs maîtres n’ont pas pu emmener dans leur fuite, ou ceux dont les maîtres ont été tués. Au checkpoint où nous la rencontrons, nous remarquons le teint cireux de la jeune femme. Elle peut à peine parler. « J’ai vu des morceaux de cervelle, des corps à moitié enterrés, d’autres écrasés par les chars. » Derrière elle, dans la forêt, un soldat grimpe à un arbre et tente avec une patience touchante de récupérer un perroquet bleu qui a dû s’envoler d’une maison d’Irpin. Au milieu de ces paysages jonchés de herses antichars, c’est une image d’une poésie infinie dont on ne peut détacher le regard.

C’est la première fois que Sergueï revient chez lui à Irpin, après un mois d’occupation russe. On le rencontre, heureux de constater que sa maison est encore debout. Il n’y a plus ni électricité ni eau ni chauffage dans la ville, mais son poêle au design contemporain lui permettra de supporter la bruine glacée d’avril. Cet entrepreneur de 43 ans ne quittera pas sa maison avant de l’avoir nettoyée de l’occupation russe. On découvre en même temps que lui sa voiture, une berline allemande blanche, sur laquelle les soldats russes ont inscrit à la bombe de grands V et badigeonné les phares de peinture noire. Quant à sa maison, on dirait qu’elle a été vandalisée au cours d’un « Projet X », ces défis où des hordes de jeunes saccagent des propriétés. Les Russes ont retourné toutes les affaires des placards, emporté tous les ordinateurs, volé les bijoux, bu tous les alcools du buffet, et les restes des repas qu’il se sont cuisinés collent au fond de casseroles sales. Dans une conversation interceptée et transmise par les services de renseignement ukrainiens, on entend un soldat qui vante à sa femme le confort et le « luxe » dans lesquels vivent les Ukrainiens. Il lui dit qu’il a pris des cosmétiques pour elle. « Souviens-toi que notre fille entre à l’université, elle a besoin d’un ordinateur, et moi de vêtements de sport », lui répond celle-ci. On devine que les soldats qui ont campé ici ont eu la même idée…

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